Dans cette étude, nous mesurons l'impact d'un choc de santé sévère, le diagnostic d'un cancer, sur la mobilité des individus entre quatre situations professionnelles. Nous estimons des matrices de transition annuelle entre l'emploi permanent, l'emploi non permanent, le chômage et l'inactivité, afin de comparer les expériences de mobilité pour deux populations: 1) 3168 individus atteints d'un cancer entre 2006 et 2009, 2) 282035 individus sélectionnés dans la population générale, sans maladie chronique. Ce second groupe a été constitué au moyen d'un algorithme d'appariement exact, afin de résoudre les erreurs liées à une absence de support commun entre les populations comparées. Les déterminants de la dynamique de mobilité sont estimés par un modèle logit multinomial dynamique à effets aléatoires, sur un panel de données administratives sur les parcours professionnels: Hygie (2005-2011). Plusieurs modèles sont estimés : le premier en stratifiant selon le genre quel que soit le site du cancer, le deuxième pour la population de femmes atteintes d'un cancer du sein, le dernier pour les hommes touchés par un cancer de la prostate.
Les résultats montrent que la population touchée par un cancer rencontre de grandes difficultés pour rester dans comme pour retrouver l'emploi, en particulier l'emploi permanent. Cet effet est plus marqué pour les hommes que pour les femmes. En outre, celles-ci semblent rencontrer plus de difficulté à demeurer active sur le marché du travail suite au choc de santé. Parmi les caractéristiques individuelles des malades, leur âge ainsi que pour les hommes leur âge d'entrée sur le marché du travail, proxy du niveau de qualification, sont des éléments protecteurs contre les transitions vers l'inactivité. Toutefois, les conséquences négatives du cancer sur l'emploi sont atténuées par une bonne santé antérieurement au diagnostic et par la durée de la carrière professionnelle stable dans l'emploi pour les malades masculins. Enfin, une durée longue des arrêts maladie survenus après le diagnostic de cancer favorise les transitions vers le chômage et l'inactivité au détriment de l'emploi.
Les femmes atteintes par un cancer du sein ne montrent pas de différences significatives en termes de trajectoires professionnelles par rapport au groupe des femmes touchées par le cancer en général. En revanche, le groupe des salariés atteints d'un cancer de la prostate se caractérise par une transition plus fréquente vers et un maintien plus long dans l'état de chômage, probablement du fait des politiques facilitant la sortie progressive de l'activité des salariés âgés.